La génération de bergers présente actuellement sur le territoire n'a pas appris à cohabiter avec le loup. Les pratiques d'élevage, la manière de conduire le bétail et de le laisser paître sur les alpages ne prennent pas en compte le facteur loup.

Il apparaît alors que l'État français aurait tardé à informer les bergers du retour du loup. Ces derniers n''ont pas pu bénéficier de campagne d'information et de sensibilisation qui aurait pu être coordonnées par des élus. Aucune mesures de protection n'a pu être mise en place en amont. Il n'y a pas également eu de diffusion de connaissances et d'expériences via les pays voisins déjà en cohabitation avec le loup pour aider les bergers français à s'adapter. 

 

     Contrairement à nos voisins européens comme les Suisses, les Espagnols et les Italiens, le loup n'a pas disparu du paysage agricole. Pourtant, la situation de ces pays n'est pas comparable à celui de la France. Les zones d'élevages possèdent une topographie semblable, même si la France possède un couvert forestier plus dense permettant aux loups d'être plus discrets. 

Il est à noter qu'en Espagne, où l'on compte 3000 loups, l'espèce est chassée au même titre que le chevreuil et le sanglier dans la partie nord du pays avec un quota de 100 à 150 tirs. Sur le reste du territoire, il est strictement protégé. En Italie, la population est en dessous la barre des 2000 mais l'espèce est strictement protégée, même si le débat d'un plan de gestion semblable à celui de la France a été lancé. 

 

     Depuis 1992, les attaques de loups n'ont pas cessées d'augmenter. En 2008, 2680 bêtes victimes du loup, 4913 en 2011, 6213 en 2014, 9788 en 2016. Ce ne sont pas seulement les ovins qui sont touchés mais aussi les équidés, les caprins, les bovins, les chiens. La région PACA compte pour 60% des attaques sur le territoire national avec 5898 victimes en 2016. 

Sur la période 1994-2011, 5 à 20% des unités pastorales les plus à risques ont été attaquées. Parmi elles, 85% une fois par an, environ 10% deux ou trois fois par an, et 5% plus de trois fois. De grandes variations existent à la fois d'ordre spatiale entre les départements, et d'ordre temporelle selon la période de l'année, et même au niveau journalier ; le loup pouvant attaquer à n'importe quel moment de la journée. 

 

     Ce stress et cette incertitude au quotidien pèse sur les éleveurs autant que sur le bétail qui devient plus anxieux, plus agressif. Cela se ressent sur la production. Les mères produisent moins de lait, les agneaux grandissent moins vite... Cette perte de revenus peut atteindre 30% en combinant le stress, la baisse des prix et la crise sanitaire.

Pour René Tavan, éleveur de moutons sur le col du Glandon :"Le responsable c’est les animaux qui se promènent dans la nature et qui s’appellent le loup. Je suis très énervé et en colère. On ne peut pas être différent, on ne peut plus travailler dans des conditions comme ça, et puis on ne sait plus si ça va nous arriver cette nuit, la nuit d’après. C’est infaisable, c’est un métier infaisable. Les gens qui vivent en ville pour eux le loup c’est bien mais ils ne se rendent pas compte ce que c’est sur le terrain. De loin quand on est dans un bureau climatisé sur un bon fauteuil on peut accepter le loup très facilement.".

Nous avons donc clairement une opposition entre les éleveurs victimes directes du loup, et les défenseurs qui n'auraient pas assez de recul, ni l'expérience pour comprendre ce que vivent les bergers. 

Louis Ascenzi, berger à Lantosque, Alpes Maritime raconte : « L’année dernière (2013) pendant un mois et demi j’ai dormis ici sous un arbre. A 67 ans ! Est-ce que vous dormirez-vous pendant un mois et demi sous un arbre pour protéger votre troupeau? Mais c’est de la folie ça ! Mais c’est une honte ce qui se passe en France ! Ça devrait pas exister ça ! »  

L'inquiétude, la colère peuvent provoquer des syndromes post-traumatique comme des cauchemars, des dépressions, un sentiment d'isolement, des crises d'angoisse, des paranoïas... Ces situations se répercutent également sur l'entourage des éleveurs et peuvent créer de graves conflits dans les sphères familiales. De plus, d'après une étude de l'INRA, le loup obligerait les éleveurs à travailler 7 heures de plus par jour pour surveiller leur troupeau. 

 

     Contrairement à ce qu'affirme les associations de défense du loup, les attaques de chiens errants sont très rares. Le loup a une manière d'attaquer très discrète et intelligente contrairement à un chien qui ne va pas élaborer de stratégie et qui va aboyer sur les brebis avant de l'attaquer. De plus, les dégâts causés par la morsure d'une loup ou d'une meute est inégalable et incomparable avec celle d'un chien. Le loup choisit des endroits précis comme la gorge ou les côtes, permettant aux agents de l'ONCFS d'identifier le coupable. Ainsi, 95% des attaques diagnostiquées par l'office seraient l'oeuvre d'un loup. 

 

     Il y a une vraie compétitivité entre le loup et l'élevage. Protéger le loup met en danger le pastoralisme qui peine déjà à cause de la concurrence internationale. Cependant, les pratiques pastorales sont les seules pratiques agricoles praticables en montagne. De plus, cette forme d'élevage en plein-air participe à l'entretien paysager et façonne les territoires. Elle produit un terroir, une culture fièrement portée par les bergers. Grâce à ces activités, une biodiversité est née avec des espèces qui ont su tirer profit de ce milieu. L'entretien des alpages  et des prairies ne seraient possible sans la présence des troupeaux, chose impossible avec la mécanisation. Il permet aussi de prévenir les incendies par la fauche. Avec l'élevage, une grande diversité de races domestiques sont également présentes sur le territoire et participent à la diversité génétique. Le tout constituant un véritable patrimoine culturel et naturel conservé par les parcs nationaux et parfois reconnus par l'UNESCO comme dans les Cévennes. Cependant pour palier la vulnérabilité des troupeaux, ces derniers se doivent de rentrer dans des parcs nocturnes protégés par des chiens ou des gardes bergers. Le passage répété du troupeau abîme le paysage et provoque un fort piétinement et donc de l'érosion. Le confinement des animaux facilite le transfert des maladies et peut causer de graves problèmes sanitaires. En cela, le loup nuit à la biodiversité des montagnes et perturbe l'équilibre déjà établit. En 2014, 34 scientifiques de divers horizons (vétérinaires, juristes, écologues, sociologues, agronome, philosophe, anthropologue...) de divers instituts comme l'INRA, le CNRS, l'IRSTEA, ont publiés un plaidoyer pour des écosystèmes non désertés par les bergers. Leur conclusion est que " le repli des activités pastorales provoquera l'enfrichement et la dégradation des habitats d'une kyrielle d'autres espèces protégées". 

 

    Malgré les mesures de protection mis en place, le loup s'adapte. La présence de garde bergers, de chiens de protection et de clôtures n'arrêtent pas le loup qui tente toujours de nouvelles stratégies pour attaquer le troupeau, comme le montre l'augmentation des attaques alors que la population lupine stagne. 

Aussi, les bergers demandent à pouvoir se défendre davantage contre le loup grâce à des tirs de défense ou létaux 

Julien Tuffery,  1er vice président de la Chambre d’Agriculture de la Lozère demandait alors en 2012 " à ce que dès aujourd’hui les agriculteurs puissent tirer sur le loup pour pouvoir se défendre parce que comment faire ? Les agriculteurs sont complètement démunis."